Nouvelles formes du tourisme urbain :
le tourisme des quais
Au tourisme insulaire et balnéaire, et à celui des villes
de canaux, s’ajoute depuis 30 ans un tourisme des quais
qui joue un rôle croissant dans la structuration des espaces
touristiques urbains. Les territoires dévolus à l’activité commerciale
et manufacturière, progressivement abandonnés par
l’industrie depuis 50 ans, se sont largement reconvertis dans
des activités de loisirs, comme le Chicago Lakefront Trail,
qui propose sur 29 kilomètres espaces piétons et musée des
Sciences et de l’Industrie, ou le programme London Dockland
(terme apparu dès 1971) qui engage la reconversion de
la Pool of London, le plus grand port du monde jusqu’au
XIXème siècle. Des opérations spectaculaires, temporaires comme
Paris-Plage depuis 2002 et permanentes comme l’ouverture
en décembre 2014 du musée des Confluences à Lyon, sont
autant d’actions immobilières et municipales venant témoigner
d’un fort engouement pour ces espaces des limites, des
bordures entièrement (ré)aménagées, où la déambulation le
long des quais se combine à une réflexion sur les lieux et leur
transformation.
Là où l’activité industrialo-portuaire persiste,
en revanche, comme à Anvers, deux mondes coexistent
encore. Cockerillkaai, sur la rive droite de l’Escaut, accueille
péniches de transport (et non d’habitation), porte-conteneurs
et zone de stockage. À quelques dizaines de mètres là, une
ancienne halle aux grains héberge depuis le 1987 le musée
d’Art contemporain d’Anvers.
Investis intellectuellement, matériellement et affectivement
par des populations touristiques toujours plus nombreuses, les
quais, ces limites internes aux villes motivent un tourisme que
l’on peut analyser comme :
– un tourisme de la limite nature/culture : le tourisme des
quais combine le cadre de l’héritage historique et architectural
accumulé dans ces villes et l’originalité de la géographie
parfois insulaire (Venise), fluviale (Paris avec la Seine, Porto
avec le Douro, le Bund de Shanghai le long du Huangpu),
lacustre (Chicago), de fond d’estuaire (Bristol ou Londres), de
confluence (Lyon) ou simplement littorale : le front de mer de
l’avenue Tsim Sha Tsui à Hong Kong ou celui de Baltimore.
Il se nourrit du fantasme de la limite entre la culture urbaine
de l’aménagement maîtrisé et une nature imprévisible (clapotis,
vague, inondations, acqua alta).
– un tourisme du rêve et d’évasion : Alain Corbin a montré
le basculement de l’imaginaire occidental au tournant du
xixe siècle, cet inconscient nouveau qui préside à l’attraction des
rivages, « territoire du vide » qui, jusqu’alors, suscitait l’effroi.
Déambuler le long des quais, c’est aussi visiter ses propres
limites, ses rêves d’évasion et d’infini, tout en affichant sa préférence intérieure pour une civilisation des espaces connus, aménagés, sécurisés.
– un tourisme venisifié : à la croisée du tourisme ancien
des canaux et d’un tourisme des quais plus récent, Venise est
la référence majeure de ce tourisme des bordures aménagées.
Bruges, la Venise du Nord ; Montargis, la Venise du Gâtinais
ou Martigues, la Venise provençale : dans le tourisme des quais,
il y a toujours un rêve de Venise.
– un tourisme familial : le tourisme des quais enfin est une
activité largement ouverte à un tourisme des parents et des
enfants, ni tourisme culturel enfermé dans des musées conçus
pour des adultes, ni espace de la plage et des jeux d’enfants à
surveiller. Il propose un modus vivendi touristique qui rapproche
petits et grands, espace d’un rêve sécurisé par des normes d’aménagement, à l’accès souvent direct, au cœur des villes.
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